La victoire de Zohran Mamdani aux primaires démocrates pour la mairie de New-York marque un tournant historique pour la première métropole américaine. Portrait d’une candidature qui réconcilie ambition sociale et représentativité sans complexe.
La surprise est venue du Queens ce mercredi. Zohran Mamdani, 33 ans, député socialiste assumé, a créé l’événement en remportant les primaires démocrates pour la mairie de New York face aux figures établies du parti. Cette victoire, loin d’être un accident électoral, traduit l’émergence d’une nouvelle génération de politiques qui assume pleinement ses convictions de gauche et transforme la diversité identitaire en force programmatique.
« Comme le disait Nelson Mandela, cela semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait. Mes amis, nous l’avons fait », a déclaré Zohran Mamdani après sa victoire.
Le vainqueur de la primaire new-yorkaise pourrait devenir le premier maire musulman de la métropole américaine. Un symbole important dans des Etats-Unis marqués par des tensions identitaires et des clivages de classe.
Un programme tourné vers une révolution sociale
Zohran Mamdani propose un projet de « rupture » avec les habituelles politiques libérales des candidats démocrates. Gel des loyers dans une ville où les prix immobiliers étranglent les classes moyennes, gratuité des transports en commun, création d’un réseau municipal de garderies gratuites : autant de mesures qui assument pleinement une logique de solidarité.
Dans les meetings de Zohran Mamdani, le terme « socialisme » n’est plus prononcé à voix basse mais revendiqué comme une solution face aux inégalités croissantes. Sur la lignée de Bernie Sanders, à l’origine de l’émergence d’une aile gauche forte au sein du Parti Démocrate, le candidat originaire du Queens a su séduire une base électorale jeune et diverse, fatiguée des demi-mesures des politiciens.
Mamdani n’hésite pas à proposer des mesures sociales fortes en s’appuyant sur des études de faisabilité précises, notamment concernent le financement de la gratuité des transport par la taxation renforcée des plus hauts revenus.
Des parents investis contre les discours islamophobes et anti immigration
Zohran Mamdani est le fils de Mira Nair, réalisatrice indo-américaine qui s’intéresse aux domaines économiques, à l’immigration et aux questions culturelles. Elle est à l’origine de films engagés à succès souvent centrés sur les identités diasporiques, les tensions entre tradition et modernité, le post-colonialisme, et les différences culturelles. Elle explore régulièrement la condition des femmes, les migrations, les inégalités sociales, et les chocs culturels.
Son père, Mahmood Mamdani, est un universitaire ougandais d’origine indienne auteur de nombreux livres dont « Good Muslim, Bad Muslim », une critique du discours islamophobe dominant post-11 septembre, qui réduit l’islam à une essence immuable et dangereuse, tout en masquant les responsabilités politiques occidentales, notamment celles des États-Unis.
Fils d’immigrés indiens, musulman pratiquant, élu du Queens depuis 2020, Zohran Mamdani incarne une Amérique que les médias dominants peinent encore à représenter. Son parcours personnel est riche puisqu’il fait ses études au Oberlin College où il milite pour la Palestine. Il s’engage également dans les mouvements de justice sociale jusqu’à devenir le plus jeune élu socialiste de l’Etat de New York.
Un soutien assumé de la cause palestinienne
L’une des dimensions les plus marquantes de son profil politique reste son engagement résolu en faveur de la Palestine. Soutien affiché du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre Israël, il a qualifié les actions israéliennes à Gaza de génocide. Lors d’une manifestation en 2021, le nouveau champion des démocrates à New York s’était déclaré antisioniste tout en différenciant ce terme d’une quelconque haine des juifs. En 2023, il a même déposé un projet de loi visant à empêcher le financement par la ville de New York de la colonisation israélienne.
Cette position, qui lui vaut des critiques et accusations d’antisémitisme, s’inscrit dans une vision cohérente de la gauche de rupture internationaliste. Pour Mamdani, la justice sociale ne peut se limiter aux frontières nationales.
« La lutte pour la Palestine est une lutte pour la dignité », déclarait-il en 2021, établissant un parallèle entre les combats contre l’oppression au niveau international.
Selon Benjamin Oreskes, journaliste politique au New York Times, Andrew Cuomo, son principal concurrent qui était au départ de la campagne donné largement vainqueur, a consacré beaucoup de temps à courtiser les votes des juifs orthodoxes, rencontrant des rabbins principalement à Brooklyn. Un clientélisme qui n’a pas porté ses fruits.
Une gauche jeune, radicale et antiraciste
La dimension symbolique d’une potentielle élection de Mamdani résonne particulièrement dans un pays où est portée par le président Donald Trump une islamophobie systémique. L’émergence d’un leader musulman à New York envoie un signal fort sur la capacité de résistance antiraciste de certaines métropoles.
Cette victoire s’inscrit dans une dynamique nouvelle et plus large de transformation de la gauche américaine. Après les percées d’Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib ou Ilhan Omar au Congrès, l’élection d’un maire socialiste et musulman à New York marquerait une nouvelle étape du renouveau démocrate.
New York pourrait devenir le fer de lance d’une résistance urbaine articulant justice sociale et défense des minorités. Le programme Mamdani, qui prévoit notamment de renforcer la protection des sans-papiers et d’investir massivement dans le logement social, dessine les contours d’une nouvelle stratégie portée par le flan gauche des Démocrates.
Zohran Mamdani : nouvel espoir de la jeunesse américaine
La victoire de Zohran Mamdani aux primaires démocrates à New York marque un tournant décisif et peut-être une nouvelle ère pour la gauche américaine. La jeunesse déçue par la politique internationale de Joe Biden s’est investie massivement pour le candidat socialiste en combinant le porte-à-porte et une grande campagne de financement portée par les petits donateurs.
L’enjeu dépasse désormais New York dans un contexte de crise démocratique et économique aux Etats-Unis. La montée des extrêmes incarnée par Elon Musk ou Marco Rubio (secrétaire d’Etat avec une croix sur le front) oblige la gauche à réussir sa mue vers un socialisme inclusif qui pourrait inspirer d’autres métropoles de Los Angeles à Chicago.