Le 6 juillet 2025, Marianne publie une tribune solennelle : « Nous, socialistes, continuons à refuser le terme d’islamophobie ».
L’initiative est signée par Jérôme Guedj, Carole Delga, Nicolas Mayer‑Rossignol et d’autres figures du PS. Ils expliquent leur refus : le mot « islamophobie » serait « ambigu, politisé, et souvent détourné pour remettre en cause les fondements mêmes de notre pacte républicain ». Une énième attaque contre un mot qui se matérialise pourtant aujourd’hui par des attaques quasi quotidiennes contre des femmes voilées, des mosquées voire même des assassinats ces derniers mois.
Derrière le refus du mot “islamophobie”, qualifié d’“ambigu” et “politique”, se dessine une crainte plus large : celle d’être perçus comme cédant aux mots d’un antiracisme musulman qu’ils soupçonnent d’arrière-pensées idéologiques.
Dès 2019, le PS avait boycotté la marche contre l’islamophobie alors qu’un attentat contre une mosquée à Bayonne avait eu lieu. Une absence qui déjà en disait long sur les renoncements d’une gauche en déroute idéologique.
Aujourd’hui, face à la création d’un « Secrétariat national à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie », ces élus jugent que la sémantique menace l’universalisme républicain. Pourtant, Jérôme Guedj et Laurence Rossignol, deux des principaux signataires, ont déjà utilisé ce terme dans les médias.
Les critiques ciblent LFI et la gauche décoloniale, accusées de « gauche identitaire et communautariste ». Mais c’est en fait l’offensive d’une gauche blanche aux abois, laïque pour ne pas dire islamophobe, bourgeoise et hors sol, qui tente d’exister par les seuls médias réactionnaires.
L’universalisme abstrait agit encore comme un instrument de domination raciale. Refuser de nommer l’islamophobie revient à refuser de voir que la norme républicaine est elle-même racisée. L’évitement sémantique est une stratégie de maintien de l’ordre blanc et identitaire dominant.
Plus récemment, Carole Delga, et d’autres au Parti Socialistes, plaidaient pour l’interdiction des manifestations contre le génocide à Gaza. La même posture, la même stratégie : soutenir l’ordre établi et interdire toute expression des dominés.
Pendant que les socialistes (si ce terme veut encore dire quelque chose) refusent le terme « islamophobie », la société, elle, subit les conséquences : les actes islamophobes ont bondi d’au moins 75 % entre janvier et mai 2025, atteignant 145 infractions, dont 99 violences physiques soit une hausse de 209 %.
Cette gauche républicaine accompagne depuis 2004 toutes les lois et mesures islamophobes dans le pays. La tribune n’évoque ni les lois séparatistes, ni les dissolutions d’associations, ni les politiques racistes du ministre Rétailleau. Seuls sont validés le vocable d’extrême droite : « islamisme », « séparatisme », « communautarisme ».
Refuser ce mot n’est pas un simple jeu sémantique : c’est un suicide politique. La gauche se détourne un peu plus des luttes populaires et rejoint les rangs de ceux qui depuis quarante ans dressent des boucs émissaires, sur fond de laïcisme victimaire.
Ce PS-là, frileux, replié, incarne une aphasie politique : plus aucune vision de justice sociale, plus aucune capacité à mobiliser contre les dominations. Comme le rappelait Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».