Alors que les médiations pour un cessez-le-feu à Gaza s’intensifient, portées par le Qatar et l’Égypte, des rumeurs circulent sur une possible extension des Accords d’Abraham, impliquant de nouveaux pays arabes comme l’Arabie saoudite ou la Syrie. Ces spéculations, relayées par le quotidien israélien Israel Hayom, évoquent un plan régional incluant un cessez-le-feu dans les deux semaines, la libération des otages, l’exil des dirigeants du Hamas et une administration de Gaza par des États arabes comme l’Égypte et les Émirats arabes unis. Cependant, loin de constituer une avancée vers une paix juste, ce scénario pourrait marginaliser davantage la cause palestinienne, au profit d’intérêts géopolitiques alignés sur l’hégémonie occidentale et israélienne.
Un cessez-le-feu sous pression diplomatique
Les efforts pour un cessez-le-feu à Gaza se sont intensifiés après la trêve entre Israël et l’Iran, négociée par les États-Unis et le Qatar. Doha et le Caire, médiateurs historiques, travaillent sur une proposition américaine prévoyant la libération des otages israéliens en échange de prisonniers palestiniens et d’un cessez-le-feu.
Cependant, les obstacles restent nombreux. Le Hamas exige un cessez-le-feu permanent et un retrait total des forces israéliennes, tandis que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, insiste sur une trêve temporaire pour maintenir la pression militaire sur les autorités palestiniennes de Gaza. Ces divergences ont déjà fait échouer une proposition américaine de 60 jours en mai 2025.
Par ailleurs, les bombardements israéliens ont aggravé la crise humanitaire : selon l’UNRWA, des dizaines de milliers de civils ont été tués ou blessés depuis la fin de la trêve, et 90 % de la population de Gaza, soit environ 1,9 million de personnes, est déplacée.
Selon les informations dévoilées dans la presse israéliennes, Benjamin Netanyahu et Donald Trump se seraient mis d’accord pour mettre fin aux massacres à Gaza dans deux semaines ainsi que la gestion du territoire sinistré par des États arabes. Les responsables du Hamas seraient forcés à l’exil.
Les Accords d’Abraham : une normalisation controversée
Des affiches publicitaires à Tel Aviv proclament l’établissement de relations diplomatiques avec la plupart des pays de la région, à l’exception de l’Iran. Le message affiché déclare : « L’Alliance d’Abraham. L’heure d’un nouveau Moyen-Orient est arrivée. »
Parallèlement, des informations relayées par Israel Hayom le 26 juin 2025 suggèrent qu’un cessez-le-feu à Gaza pourrait s’accompagner d’une extension des Accords d’Abraham, signés en 2020 entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
L’envoyé spécial des États-Unis au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a réaffirmé mercredi que de nouveaux pays arabes pourraient rejoindre les accords d’Abraham.
Nous pensons que nous aurons des annonces assez importantes sur les pays qui participeront aux accords d’Abraham », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à CNBC.
Ce plan, attribué à des discussions entre Netanyahu et le président américain Donald Trump, inclurait une normalisation avec l’Arabie saoudite, tenté par un rapprochement avec Israël depuis plusieurs années mais empêchée par la pression populaire due aux massacres à Gaza, et la Syrie, en pleine reconstruction après la chute de Bachar el-Assad, qui voudrait rejoindre le processus en échange d’un soutien économique occidental et la fin des bombardements israéliens.
La colère populaire : une résistance face au génocide
Depuis le début de l’offensive israélienne en octobre 2023, les manifestations pro palestiniennes dans le monde ont pris une ampleur sans précédent, exprimant une colère profonde face à ce que de nombreuses ONG, dont Amnesty International, qualifient de « génocide » à Gaza.
À Amman, des dizaines de milliers de Jordaniens ont défilé chaque semaine pour dénoncer les bombardements israéliens, qui ont tué plus de 61 000 personnes selon le ministère de la Santé de Gaza, et la complicité des régimes ayant normalisé avec Israël. À Bahreïn, les manifestations ont défié les autorités, malgré la répression, pour exiger la fin des relations avec Israël. Au Maroc, des mobilisations massives ont critiqué la normalisation de 2020, accusée de trahir la cause palestinienne et cela malgré les peines de prison.
À Gaza, où 90 % de la population est déplacée et où 470 000 personnes risquent la famine selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, les images de destructions massives, 60 % des logements et 342 écoles détruites, selon l’UNRWA, alimentent cette indignation.
Les rapports d’Amnesty International documentent des « crimes contre l’humanité », notamment des bombardements indiscriminés et un blocus humanitaire qui prive les civils d’eau, de nourriture et de soins.
Vers une paix juste ou une normalisation imposée ?
Le scénario d’un cessez-le-feu lié à une normalisation élargie soulève une question cruciale : peut-il répondre aux exigences de justice des Palestiniens ? Les médiations actuelles, portées par le Qatar et l’Égypte, se heurtent à l’intransigeance d’Israël, qui refuse un retrait total de Gaza, et aux demandes du Hamas pour un cessez-le-feu permanent.
Par ailleurs, l’implication d’États arabes dans l’administration de Gaza, comme proposé par Israel Hayom, risque de légitimer un contrôle étranger sur le territoire, au détriment de la souveraineté palestinienne. Cette marginalisation s’inscrit dans une longue histoire de dépossession, depuis la Nakba de 1948, où 750 000 Palestiniens ont été déplacés, jusqu’au blocus de Gaza imposé par Israël depuis 2007. La normalisation sans justice est une forme de violence coloniale qui efface les peuples au nom d’un ordre géopolitique. Les Accords d’Abraham, en priorisant les intérêts économiques et sécuritaires des États arabes et d’Israël, risquent de perpétuer cet effacement, en conditionnant la paix à l’abandon des revendications palestiniennes pour un État souverain.
Dans ce contexte, les manifestations arabes jouent un rôle clé. En défiant les régimes qui envisagent la normalisation, elles rappellent la centralité de la cause palestinienne. Sans cela, la normalisation risque de n’être qu’une nouvelle étape dans l’effacement des aspirations palestiniennes, au profit d’un ordre régional imposé par les puissances occidentales et leurs alliés.